Contes spirituels pour un monde nouveauUn nouveau monde nous attend (format pdf)On l'appelait la grande fracture rocheuse. « Les énormes blocs rocheux pouvaient-ils vraiment cacher le soleil lorsqu’ils le souhaitaient ? » Demanda un gamin dans le cercle du village le soir autour du feu. Les habitants des montagnes aux reflets mauves et des contreforts ovales hochèrent solennellement la tête. « Je les ai même vus se déplacer pour effacer du ciel les étoiles et leur compagne, la lune, » murmura un villageois qui vivait dans la région depuis très, très longtemps. C'était un mystère. Parfois, les plus gros blocs rocheux haussaient leurs épaules noires et combatives, bloquaient la lumière du soleil et repoussaient les vents violents qui tentaient de percer l’horizon. La fracture rocheuse avait-elle séparé l'obscurité de la lumière ? Existait-il d'autres endroits où cela se produisait ? Les histoires du pays parlaient de l'ombre et de la lumière qui tournaient prudemment l’une autour de l’autre, à l’instar du soleil autour de la terre. On murmurait qu'il n'y avait pas si longtemps, de furieux cavaliers au cœur noir s'étaient élancés depuis une région occidentale inconnue vers la grande forêt sacrée de Mareithia dans l'intention de la détruire. (Voir le conte intitulé Waxxar et les cavaliers venus de loin) Par conséquent, l'histoire de l'ombre et de la lumière dans le pays demeurait vague. Zeranne et Solin, amis proches et camarades de classe, avaient également entendu raconter cette vague histoire de l'ombre et de la lumière dans leur salle d'étude, le loganos. Loganos, en langue ancienne, signifie "lieu d'investigation et de connaissance". Les villageois leur demandaient souvent de partir en expédition pour étudier les secrets de la nature les mieux gardés, puis de partager leurs découvertes le soir autour du feu. Les villageois, qui les écoutaient attentivement, faisaient souvent appel à leur imagination pour des récits et des contes passionnants qui faisaient vibrer chacun d’eux. Solin, un garçon longiligne, qui entrait dans l'âge adulte plus rapidement que prévu, avait toujours admiré la force de caractère et l’autorité de la jeune Zeranne. Il était timide, mais lorsque Zeranne souriait, son sourire était si généreux que l'affection de Solin pour elle montait en flèche. Un beau jour, le cœur gonflé à bloc et le havresac bien rempli, Solin et Zeranne partirent à la découverte de la grande fracture rocheuse. « D’après toi, est-ce vrai que les blocs rocheux bougent ? » Demanda Zeranne alors qu'ils grimpaient une colline abrupte. Quelque peu inquiet, Solin haussa les épaules. « C'est possible. Ce que je n'aime pas, c'est de savoir qu'entre les blocs rocheux, il y a des ombres sinistres et des marais infects qui nous attendent. Je réalise que nous vivons une aventure passionnante, mais je sens déjà que quelque chose ne va pas. « Hum » répondit Zeranne en ralentissant le pas alors qu'ils atteignent le terrain rocailleux. « Je suis d'accord. Tout est lugubre et tellement différent des contreforts. » Plus ils s'approchaient des blocs rocheux, plus ils trébuchaient et glissaient. Solin et Zeranne, qui grimpaient en s’accrochant, les chaussures humides et sales, humèrent une odeur nauséabonde provenant d'une brume glauque qui avançait lentement vers eux. Zeranne grimaça en disant « Quelle odeur putride ! Solin asseyons-nous ici un moment, juste pour nous reposer un peu, en espérant que la nappe de brume change de trajectoire. » Elle s'assit lourdement sur un pan de rocher gris et se mit à grimacer en entendant les oiseaux criards qui s’élevaient dans les airs au-dessus de sa tête. En s'asseyant à côté d'elle, Solin remarqua un minuscule scarabée vert scintillant, qui émergeait d'une fissure étroite et sale près de ses pieds. « Regarde ça ! » Zeranne regarda le petit scarabée. « Oh ! Que fait cet adorable insecte dans un endroit aussi lugubre ? » Une voix musicale s’éleva soudain au-dessus des oiseaux criards. Quel endroit comptez-vous explorer aujourd'hui ? » La voix douce et susurrante était comme une fleur rose dérivant paresseusement le long d’un ruisseau dans la chaleur de l’été. Solin et Zeranne figèrent sur place. « Quel endroit comptez-vous explorer aujourd'hui ? » Répéta la voix claironnante, semblable à celle d'une clochette, qui dansait autour d'eux en soufflant une brise embaumée de pins et de fleurs des prairies. Zeranne prit la main froide de son ami et, ensemble, ils se levèrent très lentement. Devant eux, l'épaisse nappe de brume avait disparu pour faire place à un intense brouillard laiteux, floconnant autour d'un cercle mouvant de lumières multicolores. La voix douce et mélodieuse provenait de l'intérieur. « Aimeriez-vous explorer cet endroit aujourd'hui ? Dans ce merveilleux brouillard lumineux ? Vous êtes plus que bienvenus. » Quelle chance ! Imagine ce que diront nos camarades du loganos ! Pensa Zeranne et elle sentit Solin lui serrer la main avec enthousiasme en signe d'approbation. Tous deux hochèrent vigoureusement la tête : « Oui ! » Dirent-ils avec enthousiasme. Main dans la main, ils s'enfoncèrent dans le brouillard. En un clin d'œil, ils se retrouvèrent, loin des contreforts et de la grande fracture rocheuse, dans un monde… De contreforts et de la grande fracture rocheuse ! Le brouillard lumineux avait disparu. La voix était silencieuse. « Comment est-ce possible ? » La question de Solin, qui éprouvait une affreuse déception, tomba lourdement aux pieds de Zeranne. « Je ne sais pas. Nous sommes partis, puis nous sommes revenus. » La réponse de Zeranne était calme et réfléchie. Au bout d'un moment, elle ajouta avec un enthousiasme grandissant : « Mais nous ne sommes pas au même endroit ! Regarde ! Écoute ! » Elle désigna le ciel, puis le sol pierreux où ils s'étaient assis et le scarabée vert scintillant qui s'y trouvait encore. L'insecte était toujours aussi beau, mais il était maintenant plus grand et plus élégant ; le gazouillement des oiseaux au-dessus de leur tête était maintenant léger et mélodieux et un soleil éclatant, qui brillait dans un ciel d’un bleu clair resplendissant, réchauffait les contreforts. Entre les blocs rocheux, désormais lumineux et arrondis, coulait une eau cristalline et étincelante. L'obscurité humide et ombrageuse, qui régnait dans les endroits sinistres, avait disparu. La terre avait été transformée. Elle avait acquis une plus grande force et était devenue un havre de beauté et d'harmonie. La voix chantante dans l'air parfumé revint : « Vous avez raison, gente dame, c'est un autre endroit. C'est un nouveau monde et il peut être le vôtre si vous le souhaitez. » « Comment ? » Demandèrent simultanément les deux amis. « Simplement en le devenant. » La réponse pétulante résonna dans l’éclat lumineux de la terre. Solin et Zeranne se regardèrent, perplexes ; le devenir ? Puis brusquement, un tourbillon de lumières colorées et de brouillard laiteux transporta les deux amis dans leur propre monde. Les directives que leur donna la voix riante résonna en eux : « Regarder, choisir et comprendre. » Un peu étourdis, ils regardèrent autour d'eux : Oui, ils étaient de retour dans ce qu’ils appelaient la grande fracture rocheuse qu'ils avaient décidé d'explorer ce jour-là et, oui, ils voulaient suivre les étranges directives. Ils marchèrent lentement en regardant attentivement autour d'eux tout en évitant les marais sombres et les ombres rocheuses. Ils attendaient que quelque chose attire leur attention. Solin s'approcha d'une petite plante sombre aux feuilles tachetées qu'il n'avait jamais particulièrement aimée. Cependant, en l'examinant de près, il se rendit compte que la plante était vraiment très belle. Les taches rousses sur les feuilles lui rappelaient le sable fin près du lac au reflet doré dans la forêt de Mareithia et même sa propre peau. Les marques sur la plante, le sable de la forêt et les taches de rousseur sur ma peau se ressemblent. Nous sommes liés d’une façon ou d’une autre ! Le cœur léger, Solin commença à apprivoiser la plante. Pendant ce temps, les yeux de Zeranne se posèrent sur une longue fissure rocheuse qui semblait sombre et inquiétante. En l'observant de plus près toutefois, elle se rendit compte que la forme de la fissure lui rappelait les veines de ses mains, les méandres des ruisseaux dans les prairies et même les branches des saules qui y vivaient. Ils sont tous les mêmes motifs, pensa-t-elle. Il y a un lien entre nous tous. Bien qu'ils ne comprennent pas tout, une nouvelle façon de penser et de sentir avait déjà commencé à s'épanouir en eux. ***** Sur le chemin du retour vers le loganos, les amis discutèrent à voix basse de leurs expériences avec recueillement. « Solin, cela signifie-t-il que la grande fracture rocheuse n'est pas vraiment un lieu de ténèbres ? » Demanda Zeranne. « Je pense que cela dépend de nous » répondit-il en souriant. Zeranne lui rendit son sourire. « Il me semble que toute vie est liée, que ce soit une plante, un insecte, une fissure dans la roche ou un endroit inconnu. Si c'est le cas, cela m'aide à comprendre le monde un peu mieux parce que je peux établir un lien entre les personnes et les choses. Je peux alors créer des amitiés et aider à construire un monde d'harmonie et de beauté comme celui dont nous avons fait l’expérience aujourd'hui » dit-elle. Solin admira sa perspicacité et acquiesça joyeusement. « Pensons donc aux merveilleuses histoires que nous allons partager ce soir autour du feu ! » « Oh oui ! » S’exclama Zeranne avec enthousiasme. Elle saisit la main de Solin et parcourut avec lui la courte distance qui les séparait du loganos et de leurs amis.
Traduction par Michèle Lessard lessardmichele@videotron.ca
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