Contes spirituels pour un monde nouveauHandserre et la présence magique (format pdf)Selon la conception que les villageois avaient des choses, la forêt sacrée et chatoyante de Mareithia occupait le centre de leur immense territoire. De là, soit depuis l'extérieur vers le nord, s'étendaient les prairies, habitat des herbes, des fleurs, des saules, des insectes et des ruisseaux en très grand nombre. Plus loin, sur les contreforts rocheux, s'étendaient les magnifiques montagnes aux reflets mauves et leurs fidèles animaux alors qu’en direction du nord-est se trouvait au loin la vaste et mystérieuse mer de Sevenaaz. Au sud de Mareithia, ces terres étaient à toutes fins pratiques inconnues. On prétendait qu'un seul chemin bien tracé reliait Sevenaaz à Mareithia, mais personne n’avait jamais prouvé l’existence d’autres sentiers. Il était également suggéré que la partie la plus large de ce chemin, simplement appelée "Cheminaad", se trouvait entre les montagnes aux reflets mauves et l’immense forêt. Au-delà de Mareithia, on supposait que le chemin se réduisait à un très petit sentier puis à une étroite piste à la végétation non apprivoisée afin que les animaux non familiers puissent l’emprunter et en profiter. Certains de ces faits étaient véridiques tandis que d'autres avaient été créés de toute pièce au fil des ans par ceux qui ressentaient la nécessité d’être emportés par une inspiration plus puissante. Ainsi, pour un explorateur audacieux comme Handserre et son magnifique cheval alezan, Colo, l’idée épatante d'explorer l'immensité incertaine au-delà de Mareithia était tout simplement impensable. Handserre, maintenant assez âgé, avait passé toute sa vie à explorer - les idées, les mots et les terres. Partout où il s'arrêtait, les villageois l'accueillaient chaleureusement avec des gâteaux et des fruits dans l’espoir d’être transportés par l'un de ses récits époustouflants de courage et de lieux étranges. Ses longs cheveux argentés et sa barbe fournie frissonnaient d'excitation lorsqu'il mêlait la fantaisie aux faits avérés dans les longues histoires qu'il racontait parfois autour d'un feu de cheminée le soir venu. Ses yeux gris pétillaient d'esprit tandis que ses doigts étonnamment élégants caressaient délicatement une fleur qu'un enfant, émerveillé et timide, avait déposée sur ses genoux. Handserre et Colo étaient maintenant fin seuls. Ils venaient tout juste de dépasser la forêt sacrée de Mareithia et s'engageaient sur le chemin en direction du sud, observant de très près tout ce qui se trouvait devant eux en se réjouissant à l’avance de la possibilité de faire de nouvelles découvertes. « Eh bien, Colo, » dit tranquillement Handserre à son camarade de longue date, « je crois que nous commençons à nous aventurer sur une partie du territoire où personne n'est jamais allé. Alors, que fait-on? » Il n'y eut pas de réponse, mais l’intrépide explorateur sentit Colo sourire. Handserre gloussa pour lui-même et se mit à siffler. Ils ont ainsi voyagé une journée entière sans rencontrer âme qui vive ni entendre le moindre son. Au loin, d'immenses collines rouges et orangées s'étendaient à l’infini. Aucun nuage ne marbrait le ciel bleu pâle. C'est vers la fin de l'après-midi qu’une chose étrange se produisit à l'endroit exact où le chemin commençait à rétrécir. C’est à ce moment qu’une petite pierre brillante a roulé et s’est arrêtée devant les pattes de Colo. C'est l'éclat de la lumière du soleil sur ce petit caillou qui a poussé Handserre à crier : « Halte, Colo! Qu'est-ce que c'est ? » Colo s'est immédiatement arrêté et Handserre a mis pied à terre. Il voulait en savoir plus. La pierre était simplement posée là, brillante. Alors qu’il levait les yeux, il aperçut une petite caverne non loin du sentier et à son embouchure, il vit une lumière jaillir. « Reste ici mon ami. Je ne serai pas long. » Le noble animal acquiesça avec intelligence et se mit à mâcher quelques tiges d'herbe à proximité. Il lui était très facile de se rendre à l'ouverture, mais plus Handserre s'en approchait, plus il se sentait mal à l'aise. Il ne parvint jamais à entrer dans la caverne, car au moment où il posa le pied dans l'ouverture, un grand vent chaud l'a emporté et il s’est retrouvé dans les airs, loin au-dessus de Colo et des collines vallonnées et orangées. Même si le ciel était clair, Handserre avait l'impression d'être assis sur un nuage doux et confortable; il regardait la terre au-dessous de lui à travers un voile rose et or alors que devant lui se trouvait l'être le plus beau qu'il ait jamais vu. Il chatoyait, riait et continuait à l'appeler par son nom comme s'il ne pouvait pas l'entendre. « Handserre, Handserre, je suis là ! » Il sourit malicieusement et disparut devant lui pour réapparaître ailleurs, ce qui était déconcertant pour un explorateur déjà très confus. « Qui êtes-vous ? » s'écria Handserre, étonné. « Je suis un ami très proche et je veille sur toi depuis ta naissance. Tu sais, avec ton sens aigu de l'exploration, il y a des moments où j'ai dû travailler très fort pour assurer ta sécurité. » Il avait parlé avec tant de gaieté et d'amour que Handserre a ressenti une profonde gratitude à son endroit. « Comment puis-je vous remercier de votre gentillesse ? » demanda Handserre. Il trouvait cet incident plutôt bizarre, mais il pressentait qu'une grande vérité l'attendait. « Tout ce que je demande, c'est que tu sois davantage conscient du bien que tu fais aux autres. Lorsque tu racontes tes histoires aux habitants, tu les aides à envisager d'autres possibilités. Quand tu es doux et gentil, tu donnes de l'espoir à ceux qui t’entourent. Également, alors que tu passes du temps avec les enfants, tu les inspires et tu leur permets d’acquérir un plus grand sens de l'être et de l'agir. Dès lors que tu es davantage conscient de la façon dont tu aides les autres, tu reçois de fabuleux cadeaux. Enfin, lorsque les personnes font du bien à autrui, de formidables possibilités leurs sont accordées pour leur permettre de vivre en symbiose avec la nature et de s’ouvrir au monde afin que sa manifestation soit plus importante dans son essence même. Handserre réfléchit à ces mots. Alors qu'il commençait à sourire en signe d'assentiment, une puissante main de soie chatoyante le souleva avec une infinie tendresse et le replaça délicatement sur le sol près de son cher Colo. Handserre et son ami ne sont pas allés plus loin ce jour-là. Le campement fut tranquillement installé non loin de la petite caverne et tout deux admirèrent les étoiles qui apparaissaient une à une dans le firmament. Le monde qui les entourait demeurait respectueusement silencieux, mais Handserre savait pertinemment que ce même silence était plein de sagesse et d'amour.
Traduction par Michèle Lessard lessardmichele@videotron.ca
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