Contes spirituels pour un monde nouveau

Vynen et l’arc-en-ciel (format pdf)

Le ciel au-dessus de la forêt silencieuse et sacrée avait pris depuis un moment la forme d’un arc-en-ciel gigantesque dont les tons purs et clairs allaient du jaune à l’indigo, en passant par l’argent et l’or. Ce magnifique arc-en-ciel, émanant d’une source de pure lumière d’origine inconnue, embrassait avec amour non seulement la forêt et les prés environnants mais aussi le sommet des plus hautes montagnes chatoyant à l’horizon.

Le vieil homme regarda au loin. Il était couvert de poussière et las d’avoir marché sans répit sur une route qui ne lui inspirait que de l’ennui. Il considéra les pins et les chênes d’un oeil terne, se retourna un instant pour jeter un regard dénué d’intérêt sur les montages pourpres qu’il avait franchies, puis il poursuivit son chemin. L’air était aussi sec que ce qui gisait en lui.

Vynen avait ses raisons pour vivre ainsi. Il avait tout perdu, sa famille, sa maison et ses souvenirs les plus précieux.

Il commençait à faire très chaud. Tout en buvant un peu d’eau à même un flacon à moitié brisé qu’il transportait dans un sac suspendu à son épaule gauche, Vynen découvrit dans la prairie une petite caverne à l’écart de la route où il pourrait se reposer.

Il s’assit sur le sol froid de la caverne. Il s’interdisait de s’allonger de peur de s’endormir. Le sommeil était devenu une contrée étrangère qu’il ne souhaitait plus explorer. Quelque chose d’indéfinissable tressaillit soudainement en lui alors qu’il examinait les plantes et les fleurs sauvages chamarrées qui poussaient en abondance comme si un espoir vague et ténu commençait à germer dans son esprit engourdi. Vynen ferma les yeux un instant pour examiner cet inconnu et sentit aussitôt quelqu’un à ses côtés. Il ouvrit les yeux et vit un être humain de la taille de son majeur et parfaitement formé qui lui souriait depuis le coeur doré d’une marguerite.

« Sois en paix », lui dit cet être délicat et chatoyant sous les couleurs parfaites de l’arc-en-ciel. Sa voix haute et claire faisait penser au cri de l’aigle dans le vent. En dépit de la totale indifférence que lui inspirait le monde, Vynen fut aussitôt captivé. Comment se faisait-il que ce petit être magnifique connaisse sa langue? Et comment cette merveilleuse créature pouvait-elle vivre et à plus forte raison parler ?

« D’où venez-vous ? » demanda un Vynen ébahi. La créature pointa le ciel. Vynen ne vit rien.

« De l’arc-en-ciel qui s’est formé sur cette partie de ta planète », répondit-elle mystérieusement. « Mais ce n’est pas ça l’important. C’est ta vie qui importe. Et tu la gâches », ajouta-t-elle plutôt vigoureusement.

Vynen admira sa franchise. Le faible espoir qui avait pris fermement racine dans son esprit continuait maintenant sa route vers son coeur. « Je gâche ma vie parce que c’est ce que j’ai choisi de faire », dit-il obstinément. « J’ai mes raisons. Ma vie a été difficile et étriquée. Je n’ai pas eu la chance que d’autres ont eue. » Il se sentait très à l’aise de s’apitoyer ainsi sur son sort.

« Regarde ceci », ordonna le petit être scintillant. Immédiatement, la prairie qui s’étendait devant Vynen disparut pour faire place à des images illustrant des moments importants de sa vie. Ce qu’il vit lui fit venir les larmes aux yeux. Il regarda les nombreux moments où il avait réconforté ceux qui étaient tristes ou malades; les moments où il avait suscité le rire, la musique, la poésie, ceux où il avait sculpté des ouvrages dans le bois afin de faire battre le cœur des autres; enfin les moments où il avait honoré et aimé la terre et ses habitants. Tout cela était disparu à tout jamais.

« Ce n’est pas le cas », dit le merveilleux être, lisant dans ses pensées. « Lorsqu’un souvenir revient à la mémoire, il fait de nouveau partie du présent. Rien ne se perd dans l’univers. Choisis simplement un moment et revis-le, il t’appartiendra de nouveau. Le monde a besoin d’aide. L’aideras-tu ? » La minuscule créature finit sa phrase en souriant, et la marguerite sur laquelle elle se tenait dansa en harmonie. Prenant avec élégance les teintes de l’arc-en-ciel, elle s’éleva aisément dans les airs, déposa un baiser sur la joue humide de Vynen et disparut. Il entendit l’écho de ses derniers mots : « Réfléchis à tout ça et fais le bon choix ».

Il resta longtemps assis à revivre des moments sa vie. Le soleil était sur le point de se coucher quand les images qui défilaient devant ses yeux s’évanouirent lentement pour laisser place à la prairie. Une nouvelle vie commençait à s’agiter en lui. La nature entière poussa un soupir de satisfaction, et Vynen commença à réfléchir à la façon dont il pourrait aider le monde.

 

 

Traduction par Michèle Lessard lessardmichele@videotron.ca

 

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