Contes spirituels pour un monde nouveau

Waxxar et les cavaliers venus de loin (format pdf)

Les villageois des prairies baignées de soleil avaient attentivement observé l’arrivée des cavaliers qui avaient rapidement et brutalement traversé la chaîne de montagnes occidentales. À l’approche du groupe flou et poussiéreux, la chatoyante rosée matinale avait soudainement cessé de se déposer dans les fleurs et l’abeille avait instinctivement fermé ses ailes. Par le passé, les habitants au cœur bienveillant avaient timidement accueilli de nombreux étrangers dans cette région, mais ils furent grandement ébranlés par la furie grandissante des cavaliers galopant sur des chevaux écumants. Il se demandèrent ce qui se passait et qu’elle était l’intention de cette bande sauvage provenant de cette région occidentale inconnue.

Dans l’expectative, la forêt chatoyante et sacrée de Mareithia avait haussé ses frêles épaules et aspiré un souffle de paix tandis que les cavaliers traversaient la vaste étendue entre les régions inconnues des montagnes aux reflets mauves et les contreforts. Le moment était venu d'ouvrir une nouvelle voie.

Les prairies firent silence devant cette invasion imminente et Mareithia, la grande, devint encore plus majestueuse et animée. Au cœur de ce refuge sacré, le lac au reflet doré, d’ordinaire calme, accrut sans attendre sa lumière et sa puissance.

Ils sont donc enfin là, pensa Galliard, accroupi au bord de l’onde cristalline et admirant un petit insecte argenté dans les hautes herbes. Nous allons donc avoir de nouveaux amis. Il se leva promptement sans faire de bruit.

Il n'y avait pas d'armes dans la forêt, ce genre d’objet étant interdit à Mareithia, la douce. Galliard ne le savait que trop bien et il secoua la tête juste à la pensée de cette éventualité. Non, réfléchit-il. Les armes ne sont pas nécessaires, car l'esprit est supérieur à toute arme et peut faire naître de merveilleuses choses grâce à l'amour, au pouvoir et à l'intention.

Bien que Galliard ne fût pas natif de Mareithia, il y passait souvent beaucoup de temps et il était fréquemment appelé à prendre la parole lors de conseils importants, à la fois dans la forêt et dans des endroits au-delà de la terre. Il lui arrivait parfois de représenter d'autres grands personnages, qui étaient pris ailleurs, de partager leur savoir et de réconforter les cœurs affligés. La vraie maison de Galliard se trouvait au sein d’une étoile brillante qui palpitait dans le ciel et que les habitants locaux pouvaient aisément voir au crépuscule. Là aussi, il y avait des lacs, mais aucun n'était aussi magnifique que celui qui se trouvait au cœur de Mareithia.

Alors aujourd'hui, Galliard était impatient de se faire de nouveaux amis dans cet endroit merveilleux.

Les cavaliers traversaient les villages au galop en piétinant les fleurs. Ils filaient tels des fantômes sombres et malfaisants vers la grande forêt de chênes et de pins.

« Je vais détruire cet endroit aujourd’hui et pour toujours » cracha Waxxar, le chef de la troupe, le regard implacable et animé d’une intention déterminée. « Une fois Mareithia détruite, je vais dominer les lieux de main de maître. »

Le pouvoir diabolique ne peut résister à une insatiable avidité. Dévorés par une soif effrénée de domination, Waxxar et ses cavaliers se ruèrent vers la forêt.

Alors que les cavaliers foulaient le sol avec fracas, Mareithia s’entoura d'un puissant anneau de lumière dorée, tel un anneau de mariage, lequel pouvait se rompre pour exposer un tunnel lumineux reliant la forêt sacrée au monde extérieur. Au moment où Waxxar repéra l’entrée du tunnel, c’est animé d’une volonté absolue, qu’il saisit cette formidable occasion qui s’offrait à lui. Aveuglé par le besoin de détruire, il s'y engouffra, les cavaliers à ses trousses. Alors qu’ils se dirigeaient en trombe vers le centre de cette magnifique forêt, ils s’arrêtèrent brusquement sur les rives du lac au reflet doré, qui fit rayonner le renouveau et l'amitié.

« Hommes, sortez ce dont vous avez besoin et préparez le feu » ordonna Waxxar. De grandes flammes jaillirent bientôt des torches que les cavaliers tenaient à la main. Au moment où ils se penchaient pour attiser les flammes sur l'herbe, il se mit à pleuvoir, une fine pluie à la fois douce et indulgente. Waxxar se mit à crier de frustration. La pluie croissait à mesure que sa colère se déchaînait et, dans ce déluge, Galliard se tenait sur l’autre rive au sec, grand et beau.

« Waxxar ! »

Waxxar découvrit que la voix était dans sa tête ! Il se retourna et vit un étranger sur l’autre rive. Cet étranger avait prononcé son nom dans son esprit avec une telle douceur et une telle puissance que, de façon inexpliquée, Waxxar fut habité par un étrange sentiment de bonté et de générosité. Au même moment, les cinq autres cavaliers entendirent leur nom dans leur esprit, et ce, de la même manière affectueuse et puissante, « Stanior, Fynien, Walcer, Emvir, Remar ! »

Galliard poursuivit son chuchotement dans leur esprit : « Je sais que vous venez d'un endroit où vous n'avez jamais été aimés. C’est pour cette raison qu’il vous faudra du temps pour ressentir l'amour. Je sais aussi que vous finirez par accepter cet amour, car il deviendra chaque jour plus fort en vous. Il arrivera un moment où vous ne pourrez plus y résister ».

Silencieux, les cavaliers se regardèrent. Les torches humides tombèrent sur le sol sans raviver leur haine et leur désir de vengeance.

« Partons d'ici » murmura Waxxar.

Lentement et en silence, les cavaliers quittèrent Mareithia et suivirent une nouvelle voie, empreinte de douceur, qu’un Galliard attentionné venait tout juste de créer.

 

Traduction par Michèle Lessard lessardmichele@videotron.ca

 

Retour à l'index des Contes spirituels pour un monde nouveau

Retour à l'index Livres, poésie et musique de Regiena

 
Top of page / Haut de page